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La lettre d'une auditrice à la direction de France Culture
(à propos de la grille de septembre 1999)

Depuis déjà quelques mois, le besoin de faire part de mes inquiétudes quant à l'évolution de France Culture me faisait songer à les manifester publiquement. Les dernières semaines m'auront épargné cette vaine démarche : il n'est plus maintenant question d'inquiétude, mais d'accablement. Tout ce que j'avais senti venir est là, en bien pire seulement que ce que j'avais imaginé. Comment aurais-je pu en effet prévoir cette irruption tous azimuts du rapide, de l'efficace et du technologique, du "jeune", en un mot (les génériques sont très instructifs à cet égard), sur une station dont il me semblait que la raison d'être était précisément de se tenir à l'écart de toutes ces vacuités démagogiques ?

Sauf quelques très rares îlots où subsiste de la substance, on ne fait plus de culture sur France Culture ; on parle, mais expresso, pour ne pas fatiguer l'auditeur, des "événements culturels à ne pas manquer". Je ne sais pas trop quelle prise de pouvoir en plusieurs épisodes a eu lieu exactement à la maison de la radio ; j'en ai perçu, le début, peut-être à tort (mais je ne suis pas la seule), à la mort de M. Bildlowski. Toujours est-il que les gens de culture ont fait place, sur France Culture comme partout ailleurs, à de jeunes animateurs (les deux termes sont également importants) ou présentateurs à l'enthousiasme factice dont les trébuchages phonétiques ou lexicaux ne trompent pas, et qui furent grandiosement préfigurés, cet été, par le tout à fait inécoutable Jean-Michel De Cujis [NDLR : en août 1999] . C'est fini, cette radio, unique au monde peut-être, où le temps n'était pas commercialement envisagé, mais généreusement laissé à ce (ou ceux) qui en avai(en)t besoin pour arriver jusqu'à nous. Nous ? Parlons-en donc, de nous, ces auditeurs auxquels, désormais, comme sur les pires chaînes de télévision, on fait faire des émissions en les faisant parler ? de livres, de "culture", forcément ? voire jouer, comme si le bavardage, même sympathique, même cultivé, de ceux qui sont avant tout des auditeurs (est-ce aberrant de le rappeler ?), pouvait remplacer les programmes élaborés, construits et substantiels offerts jusqu'ici par la radio qu'ils écoutent ! De ce changement, les dominantes sont d'autant plus vite dégagées qu'on assiste malheureusement à la même chose partout (partis politiques, éducation nationale, etc.) : un discours démagogique, un habillage jeune (dans un pays où la population vieillit inexorablement on se demande encore quel sens cela peut avoir, sans parler de la pertinence de ce que tous ces "décideurs" croient constituer le jeune), et, derrière, deux soucis majeurs :

1°) faire des économies (combien d'émissions bla-bla en direct pas chères pour combien d'émissions préparées et développées, maintenant ? combien de rediffusions par jour ? combien de vrais journalistes très qualifiés et cultivés pour combien de jeunes animateurs ineptes mais sans doute moins chers ?), voire du profit, un jour, pourquoi pas ?

2°) ne surtout pas faire de culture (de vraie culture). Il ne faut pas "prendre la tête" aux auditeurs, pardon : aux consommateurs. Il ne faut pas pousser les gens à penser.

Je n'écoute déjà plus cette chaîne que pour être bien sûre de ne pas m'être trompée et pouvoir étayer mes arguments. Maintenant que cette lettre est écrite, je vais cesser de m'infliger cette pénible obligation. Et je répète que je suis accablée.

Valérie (octobre 1999)
 

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