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La réponse de Catherine Tasca, Ministre de la Culture, aux protestations du Rassemblement des Auditeurs contre la Casse de France Culture, suivie des réactions d'auditeurs à cette réponse :

À Monsieur Antoine LUBRINA, Président du RACCFC

Monsieur le Président,

Vous avez bien voulu appeler l'attention de Madame Catherine Tasca, Ministre de la culture et de la communication, sur l'action engagée par le "Rassemblement des auditeurs contre la casse de France Culture", afin de protester contre les modifications survenues récemment dans la grille des programmes de cette station radiophonique.

Madame Catherine Tasca a pris connaissance avec intérêt de votre correspondance et des documents qui l'accompagnaient. Croyez bien qu'elle a été sensible à votre démarche, relevant notamment l'attachement que manifestent les auditeurs qui souscrivent à votre mouvement pour une programmation de qualité.

La Ministre m'a chargée, à cet égard, de vous assurer que les équipes dirigeantes, dans le cadre de l'autonomie qui leur est impartie, n'ont d'autre ambition que celle d'enrichir et d'élever la qualité des programmes, afin de mener à bien la mission de service public de cette radio culturelle.

Espérant que les nouvelles programmations mises en place parviendront à conquérir votre agrément, je vous prie d'agréer, Monsieur le Président, l'expression de ma considération distinguée.

La conseillère technique, Laurence Engel


Deux réactions à la "réponse" de Madame Catherine Tasca : 1 ¤ 2

Madame la Ministre,

Votre lettre datée du 26 juillet, signée Laurence Engel et largement diffusée parmi les membres du Raccfc, appelle une mise au point : vous mettez en avant votre attachement aux missions du Service public. Mais comment peut-on concevoir l'existence d'un service public inféodé aux pressions de l'argent et donc de l'audimat, aux exigences de la publicité commerciale officialisée ou clandestine ? Et que devient la mission d'un service public qui se contente de diffuser ce que produisent les firmes privées du show-business abandonnant ainsi son rôle dans la création audio-visuelle ? Car si la création de fiction occupait à France-Culture une place de premier plan, depuis fin 1997 cette part est de plus en plus réduite. Ce mécanisme nous l'avons déjà constaté à la télévision, tout comme nous y avons vu à l'œuvre votre sens du service public, quand sous votre égide on a définitivement donné l'avantage à la production privée (décrets Tasca) précipitant la liquidation d'une SFP aujourd'hui devenue moribonde. Beau résultat vraiment, pour qui se prétend attaché à la mission du service public ! Et après la télévision, la radio ?

De fait, on voit bien quelle sorte de conception de la culture préside aux récentes nominations à la tête de Radio France et de France Culture, de responsables venus de la télévision. Ceci nous fait redouter la même dégradation des programmes que celle qu'on peut constater à la télévision depuis l'introduction de la publicité et la soumission à la production privée. Cf la déclaration d'Aline Pailler "une entreprise rentable et racoleuse".

Vous savez aussi bien que nous que le directeur de Radio-France a consacré une part disproportionnée du budget à liquider les anciens cadres pour y introduire des hommes à lui et déstabiliser tout le personnel. Il s'agit purement et simplement de la gestion politicienne d'une institution jusque là libre, autonome, authentiquement consacrée à la culture, qu'on entreprend maintenant d'inféoder au pouvoir, dans la pire tradition des excès de la Vème république Gaullienne, mais avec un progrès considérable : le gouvernement est maintenant lui-même inféodé aux pouvoirs de l'argent. Le montage est en place : la radio dépend d'un gouvernement lui-même aux ordres du marché.

Soyez assurée, Madame la ministre, malgré cette inadmissible lettre qui bafoue les auditeurs et feint de se soucier du contribuable, que notre mobilisation ne fait que commencer, et que nous sommes fermement déterminés à rassembler dans un mouvement de plus en plus puissant (puisque c'est le seul moyen de nous faire entendre) celles et ceux qui dans ce pays et dans le monde francophone refusent de baisser les bras devant la dictature de l'argent, de la médiocrité et de l'avilissement.

Le 21 Août 2000, par Antoine Lubrina, pour le RACCFC
Copies envoyées au Premier Ministre, à Laure Adler, et à la presse


 Madame la Ministre,

Dans votre lettre du 26 Juillet signée Laurence Engel pour répondre à nos courriers, et largement diffusée au sein du Rassemblement des Auditeurs Contre la Casse de France Culture, vous vous dites "sensible à notre démarche". Mais que nous croyez-vous capables de penser d'une "sensibilité" qui se traduit par une lettre stéréotypée, préécrite dans la langue anesthésiante du discours politique et qui, comme c'est la règle du genre, ne répond en fait à aucune de nos préoccupations.

Cette lettre met en avant l'enrichissement de la qualité des programmes, qui serait le souci des équipes dirigeantes. A l'écoute de ce que sont devenus les programmes de France Culture, on se demande vraiment comment cette qualité est définie, par vous-même, par l'actuel directeur de Radio-France, par la directrice de France Culture et les cadres de la station. Et peut-on confier cette définition à la seule charge de technocrates et de journalistes venus de médias asservis au principe de l'audience à tout prix ? On a vu par quelle dégradation de l'audiovisuel cette sorte de politique s'est traduite, et on est en train de voir le même désastre à l'œuvre sur France Culture.

France Culture c'était les pièces du répertoire jouées par la Comédie française, et aussi de la création radiophonique, de l'histoire, de la littérature, de l'analyse musicologique, et des débats sur les problèmes fondamentaux, philosophiques, contemporains, loin du tumulte de l'actualité à sensations, le tout avec une haute qualité d'expression et dans une ambiance sonore particulière, propice au calme et à la réflexion. Cette radio était élitiste de la seule façon qui soit acceptable pour un service public : par le contenu et non par le public visé. C'était l'université pour tous, le théâtre chez soi, le conservatoire à domicile. Écoutée par 500 000 personnes d'origines sociales et géographiques variées, elle était la chance donnée à chacun de pouvoir se cultiver, s'instruire et réfléchir. Voilà ce qu'est pour nous la qualité objective, même subjectivement goûtée.

Au lieu de continuer dans cette voie, au lieu d'en transmettre l'envie et le goût à encore plus de personnes par une politique de promotion adaptée, on aligne la station sur un auditeur imaginaire dont le profil est tracé au crayon du plus pur mépris. Les actuels décideurs ne savent pas que la vocation d'un homme de culture est de précéder le goût du public et non de tenter de le suivre en adhérant à une demande maladroitement cernée par l'artefact des sondages. A condition encore d'admettre que les célèbres sondages de 1999, sur lesquels Laure Adler prétend avoir tissé sa grille, avaient une autre fin que d'entériner une conception préétablie de l'auditeur moyen et donc de programmes très très moyens. C'est ainsi que la grille précédente, patiemment mûrie et progressivement améliorée au fil des ans, a été saccagée à l'automne 1999, remplacée par un patchwork artificiel sans art ni goût, dans une très pure tradition technocratique.

De France Culture, radio faite par des gens d'art et de savoir à des fins de connaissance et de création, on veut faire une radio de journalistes afin de battre sur leur propre terrain les médias déjà existants. On a donc injecté dans la station d'autres personnes, mais surtout une autre raison d'être, d'autres missions. Le nouveau France Culture ne produit que du bavardage événementiel et du bruit. La simple écoute quotidienne de la station fait apparaître de façon évidente la différence entre les productions survivantes du carnage de 1999 et les nouvelles émissions. Ces dernières ont été confiées à des nouveaux venus installés à grands frais à la place des piliers de la station, liquidés dans un holocauste budgétaire.

Car s'il s'agit de lutter contre le gaspillage, s'il s'agit seulement de gestion des fonds publics, alors comment tolérer l'assèchement des finances causé par la ruineuse opération de remplacement des cadres de la station ? Une part effarante du budget a servi à licencier des cadres expérimentés et à remplacer des producteurs passionnés par des vedettes médiatiques à qui on verse des salaires plus élevés. Mais jamais ces nouveaux venus ne sauront s'investir autant que les précédents : armés pour tout bagage culturel de fiches préparées par des assistants, ils se montrent tout au plus capables de servir la même soupe que les médias dont ils sont issus et restent les acteurs. Il s'agit ici non de querelle de personnes, mais bien d'une certaine conception de la gestion des fonds publics.

On rétorquera qu'il ne s'agit pas d'argent ? Admettons. Admettons ainsi qu'il n'y aura pas de publicité sur France Culture. Mais si l'audience reste un souci légitime, si l'objectif est d'augmenter l'audience d'une radio du service public, la concurrence au premier degré est-elle la stratégie la plus judicieuse ? La meilleure voie à suivre, est-ce d'aligner France Culture sur d'autres stations, de modifier dans le sens de ce relâchement le style de la radio, les programmes et le contenu, le choix des sujets et le niveau de langue ? L'expérience montre que des milliers d'auditeurs déçus, privés depuis septembre 1999 de ce qui faisait la qualité de leur radio, ne l'écoutent plus. Mais ils n'ont pas été remplacés par le public qu'on tente ainsi de ravir à des médias consacrés au commerce et à la distraction. Cette tentative de capturer de l'audience par l'imitation est donc vaine. Et quand bien même elle aboutirait en s'imposant sur le terrain de ces médias là, on obtiendrait par cette folie une radio sans richesse ni personnalité, au prix de la liquidation d'une station pleine d'originalité et authentiquement culturelle. Soyez consciente Madame la Ministre, que c'est à tous que la réduction du choix culturel cause un préjudice. Non seulement à l'auditeur actuel, mais aussi à l'auditeur potentiel, celui qui n'use pas encore de cette chance donnée à chacun de se cultiver, de s'instruire, de réfléchir.

Et que deviennent les auditeurs ? Eh bien ils sont déçus, floués, malheureux, privés d'un média chaleureux et enrichissant. On a pu les entendre dans une émission Pot-au-feu enregistrée en public au Bouillon Racine, en décembre 1999. On a entendu leur colère et leur détresse, et aussi l'incroyable mépris de Laure Adler qui n'a répondu à aucune critique, à aucune question, ni même à aucune remarque. Ce jour là, la directrice de la station s'est contentée de servir un incroyable potage verbal d'autosatisfaction dans un style d'abord anesthésiant puis de plus en plus agressif, qui n'a fait que renforcer notre inquiétude notre insatisfaction et notre détermination à lutter, malgré l'évident refus du dialogue qui caractérise l'attitude de Laure Adler.

Et n'avez-vous pas fait de même, Madame la Ministre, avec ce courrier lénifiant par lequel votre conseiller s'imagine qu'il convient de répondre à des auditeurs mécontents, à des contribuables floués. A ce demi-million d'auditeurs, montrez donc que vous n'avez pas besoin d'un adversaire politique à contrecarrer pour remplir effectivement votre rôle de Ministre de la Culture. Quittez donc votre périmètre parisien, montrez leur que vous n'êtes pas seulement capable d'empêcher la démolition d'une piscine Molitor à fins de préserver le chic nostalgique et rétro du XVIème arrondissement. Pour la sauvegarde du service public de la culture, pour tout le pays, pour tous les auditeurs francophones, stoppez aussi la casse de France Culture !!

Août 2000, par Laurent adhérent au RACCFC


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